2 conférences étaient au programme de la causerie bio du 25 avril tenue au comité régional de la FFESSM.
« La vie sous la banquise » par Nathalie Morata, Océanologue, Chercheur temporaire au CNRS, sur les cycles de la chaîne alimentaire arctique,
suivi d'une signature de son livre "La carotte de classe".
La chaîne alimentaire Arctique dépend de la zone pélagique et de la zone benthique.
Il suffit de lumière et de nutriments pour assurer son démarrage et de continuer avec le reste de la chaîne alimentaire copépodes, poissons, mammifères marins, ce qu’on appelle plus communément la chaîne trophique. Et ce qui compte ici beaucoup, les déchets qui rejoignent le benthos.
Si on ajoute de la glace, les algues de glace peuvent créer des chaînes de filaments qui sont souvent très longs.
Elles sont utilisées de la même manière dans la chaîne alimentaire, copépodes, krill, poissons, phoques, ours, mais avec un benthos qui s’enrichit de ces retombées de déchets.
Les algues de glace sont très spécialisées et ne se développent que sur les plaques de glace.
Le benthos respire et se développe, et assure de son côté un cycle biologique. Ce qui m’intéresse ici c’est ce qui se passe dans cette colonne d’eau et qui arrive au benthos, respire et recycle les composants qui représentent une masse importante.
Il existe une glace temporaire annuelle, la banquise, et une glace pluriannuelle.
L’océan arctique représente seulement 1% de l’océan mondial, il est constitué de 50% de plate-forme continentale et représente 30% des plateaux continentaux mondiaux, il représente aussi 10% des apports fluviaux mondiaux.
Il constitue un important puits de carbone de la planète, il représente aussi une force importante du tapis roulant océanique mondial.
On le sait les réchauffements climatiques vont augmenter.
Les augmentations de température seront de 4° au niveau mondial, à la fin du siècle. En arctique elles seront du double, avec comme conséquences une augmentation de la température de l’eau, moins de glace et plus d’eaux douces, une augmentation du CO2, une diminution du PH marin, un changement des caractéristiques physico-chimiques, une eutrophisation des grands fonds, une diminution de la productivité vivante, un impact sur la nourriture des Inuits, une déviation ou un ralentissement du Golf-Stream par accumulation d’eaux douces, le passage du Nord-Ouest qui deviendra possible avec les productions minières et pétrolières du Grand Nord, pollution, diminution des stocks vivants, une augmentation du niveau des mers.
La productivité sur le pélagique lorsqu’il n’y a pas de glace, le recyclage est total, il y a moins de retombées dans le milieu benthique des déchets et donc moins de vie benthique.
Ce décalage entre les périodes de glace et sans glace est caractéristique pour les organismes du sédiment.
Les analyses se font par des carottages de glace, des analyses de la colonne d’eau, des carottes de boues du fond. Les métabolismes des communautés d’organismes de ces sédiments et leurs aptitudes à assimiler la nourriture venue de la surface, on appelle ça le couplage pelagos/benthos.
Dans le cadre des études en cours pour remettre en phase ces constats avec les changements globaux, il est nécessaire de faire un comparatif entre les espaces où le couvert de glace est important, comme par exemple l’arctique canadien dans la mer de Beaufort avec un écosystème en rapport, et la région du Svalbard où l’impact du réchauffement est déjà bien présent avec un bras des eaux du Golf-Stream, et où il ne reste que 10% de glaces annuelles.
Dans l’exemple, avec une importante plaque de glace, au printemps, les algues de glace par la fonte se retrouvent dans le sédiment et le benthos a répondu en augmentant sa respiration, dans cet exemple le couplage pelagos/benthos est extrêmement important.
Dans le Svalbard, le couplage est moins important vers le benthos et le phytoplancton est utilisé par le pelagos avec une augmentation des poissons.
Le phytoplancton est de moins bonne qualité nutritive pour le benthos et donc celui-ci est défavorisé.
Avec la diminution de la couverture de glace, considéré comme défavorisant la productivité benthique, ce phénomène est considéré comme un boomerang sur l’ensemble des régions avoisinantes.
« Les bryozoaires, leurs habitats et leur place dans les paysages » par Jean-Georges Harmelin, biologiste marin.
Les espèces de bryozoaires sont innombrables avec même des espèces qui occupent les structures d’autres bryozoaires dressées.
Je reviens du Liban où j’ai fais un inventaire des espèces locales qui sont représentées par environ 30% d’espèces introduites venant particulièrement de mer Rouge. La plupart sont de trop petite taille pour être observées à l’œil nu. En Croatie de nombreuses espèces dressées établissent des faciès sur les tombants.
Les habitats sont variés en fonction de leur mode de vie et de leurs besoins métaboliques.
Ils préfèrent en priorité les espaces ombragés à cause de la concurrence des algues.
Ils utilisent alors les places laissées libres par les espèces sciaphiles (éponges, cnidaires, ascidies, etc.).
Dans les espaces éclairés, ils peuvent vivre sur les espèces photophiles.
D’une manière générale plus la concurrence sur ce groupe d’organisme sera sévère dans un écosystème, plus les espèces seront de petite taille, occupant de cette manière une niche écologique plus restreinte.
La nourriture des bryozoaires est le plus généralement le phytoplancton.
L’exigence nutritive est assez faible à très faible dans la plupart des cas, un dimorphisme selon les milieux occupés sera également assez souvent observé pour une espèce donnée.
Certaines espèces accumulent des sels minéraux formant des encroûtements donnant des massifs à très lent développement.
De très nombreuses espèces ont été importées au cours des temps avec les transports maritimes et occupent maintenant des espaces dont elles ne sont pas originaires.
Le faible impact des bryozoaires dans les écosystèmes n’a jamais permis d’assister à des constats d’envahissements caractérisés.
L’intérêt de ce groupe d’organismes pour les plongeurs se situe dans la beauté des structures des grandes colonies observées dans le milieu, et aux architectures extraordinaires des détails vues de la lunette binoculaire au microscope électronique.
Sur le substrat, la compétition avec d’autres types d’organismes, comme pour d’autres bryozoaires fait se succéder, toutes ces formes de vie encroûtantes, avec comme chef d’orchestre à cette symphonie de couleurs, les conditions physico-chimiques qui favorisent ou non et à tour de rôle, toutes ces petites vies très conditionnées.
Dans les milieux tropicaux propices à leur développement, la très forte concurrence des autres organismes, les amènent à rester de petite taille, les formes dressées sont rares ou absentes.
Les durées de vie sont très variées, du bryozoaire qui ne se développe que sur les feuilles caduques de la posidonie (Electra pilosa), aux colonies dont on ne peut mesurer l’existence.
Les bryozoaires sont capables de cloner les individus formant la colonie, de reconstruire les parties cassées de celle-ci, dans chaque logette le polypide qui meurt est reconstitué par cette même logette, tous les modes de reproduction, hermaphrodisme, gonochorisme sont possibles et très dynamiques, également la possibilité de rester en sommeil dans un milieu rendu difficile, etc.
Ce qui donne à ce groupe une résilience extraordinaire dans tous les milieux.
Il existe environ 6000 espèces de bryozoaires connus.
En Méditerranée entre 400 à 500 espèces.
15 000 espèces fossiles connues.
Certaines espèces fossiles ont construit des récifs, ce qui dénote la forte présence de ce groupe dans le passé.
Ce genre d’organisme existe en colonie, probablement il doit exister des espèces isolées, la taille va du millimètre au mètre.
Une colonie est issue d’une seule larve, par bourgeonnement.
Dans une colonie chaque individu est une colonie potentielle, puisque capable de produire des clones de lui-même.
Énormément d’espèces très petites occupent tous les espaces, sédimentaires, coralligènes, anfractuosités de petites tailles.
Certaines sont dressées, encroûtantes, calcifiées ou non, de toutes formes, dont des espèces moles, voire libres de déplacement sur le substrat.
Certains zoïdes de la colonie peuvent se spécialiser, en ovicelle, zoïde reproducteur perdant ses tentacules et organes digestifs.
En aviculaire, qui on pense doivent permettre la défense et le nettoyage de la colonie. Ces aviculaires servent aussi à la reconnaissance des espèces.
Certaines espèces peuvent avoir aussi des associations comme Smittina cervicornis recouverte par le spongiaire Halisarca dujardini, le spongiaire laisse le passage des lophophores et profite du support, le bryozoaire du mouvement d’eau créé par le spongiaire.
Le microscope électronique permet maintenant d’assurer la reconnaissance des différentes espèces à partir de leurs détails, la génétique est encore trop lourde pour ces formes de vie trop petites.
C’est Rondelet qui a le premier décrit un bryozoaire en 1558, la dentelle de Neptune.
Jules Lelorgne de Savigny a dessiné un certain nombre d’espèces au cours de la campagne d’Égypte de Napoléon, qui seront nommés par Audouin plus tard.
Une assemblée nombreuse a assistée aux deux conférences de cette soirée, qui se terminera par un apéro.
Une parution prochaine d’un ouvrage sur les Bryozoaires sera disponible, voir sur le site DORIS.
Compte rendu et photos : Henri.