Il n'avait fallu que quelques jours pour que fût pleine de noms la feuille affichée par Sandrine au fronton de l'ASM. Et c'est bien normal : quel plongeur ne souhaite pas rendre visite aux mérous qui pullulent aux environs de Port-Cros ? Par ailleurs, personne n'ayant compris le système de tarification avant de s'inscrire, c'est dire à quel point l'enthousiasme était grand. Rendez-vous était donc pris pour le vendredi 18 octobre en soirée au camping de la Tour Fondue.


cap sur le parc de Port Cros.

La Tour Fondue. Etrange n'est-ce pas ? Avant de poursuivre, faisons la lumière sur l'origine de cette dénomination pour le moins curieuse. En moins trois mille et des poussières, une couche de glace épaisse de plusieurs dizaines de mètres recouvre toute une zone allant du Gröenland à la Presqu'île de Giens, alors occupée par une horde de barbares sanguinaires ni scrupules. Ceux-ci passent leur temps à s'égorger les uns les autres en s'abreuvant de ramazotti. Cependant, entre deux rounds, il leur arrive d'être sujets à des crises de lucidité, crises au cours desquelles ils poursuivent avec ardeur la construction d'une tour gigantesque toute de blocs de glace faite, ceci bien entendu pour compenser l'effet des basses températures.

Or, à cette époque, la Grèce resplendit de culture et de richesses. Son roi, Nikopoulos III, ne peut supporter que tant de sauvagerie n'existe qu'à quelques coudées, certes franches, mais bon, de son royaume. Par ailleurs, se sentant investi d'une mission de culturisationnisme de toutes les terres béotiennes, Nikopoulos affrête les trois caravelles Nina, Santa Maria et Donator afin que ses troupes rendîssent la Presqu'île à la civilisation.


Dépêché sur place, le fameux Archimède, l'inventeur du thé au rhum, grâce au miroir de poche offert par sa tata Germaine lors de la victoire des grecs à Samothrace, dévia et concentra les rayons du soleil sur le bel édifice qui, de glace, devint eau en quelques heures, emportant avec lui les espoirs de pérennité du peuple barbare. C'est en l'honneur de cette victoire de l'intelligence que l'endroit fût baptisé de son nom définitif. La suite, on la connaît, aussi ne m'étalerai-je pas davantage en explications toutes sues des livres d'histoire.

l'Odyssée et le Brigantin

Bref, revenons à ce fameux vendredi d'octobre. Alors que le soleil inondait de ses rayons mordorés la baie de la cité phocéenne, 2 virgule 6 fois millénaire, je prenais place avec Maïckel dans mon véhicule, direction devinez quoi ? direction la Tour Fondue.


le club Espace Mer.

Suite à un parcours sans encombres - sauf à la fin puisque nous mettons tout de même quelques instants à découvrir l'entrée du camping, celle-ci étant pourtant matérialisée par un parapluie retourné - nous rejoignons enfin, guillerets et plein d'entrain, Sandrine et Christophe qui nous avaient devancés de quelques heures et de quelques bières.


L'accueil est camescopique, grâce à l'appareil que Sandrine s'est fait greffer au bout du bras. La visite des mobil homes nous réserve de bonnes surprises puisque ceux-ci sont spacieux et confortables. C'est ensuite que débuta la soirée, à attendre une par une l'arrivée des inscrits pour ce qui allait être un week end d'anthologie. Sans égrenner la liste des arrivants, disons que nous fûmes quasi complets aux environs de 21h30.

camera au poing !

pique nique tardif

Ainsi nous mettîmes nous à table pour savourer un repas pantagruélique puisque chacun avait apporté pour au moins trois. La fin du banquet fût célébrée par la constitution des palanquées du lendemain : nous fûmes alors scindés en deux, le groupe des épaves et les autres. Un petit digestif là-dessus et c'est le coeur léger et plein d'insouciance que tout le monde alla se coucher après les douze coups de minuit. Ceux qui n'eurent pas la joie de partager leur mobil home avec Nino dormirent d'une traite.


Le lendemain, réveil à 7h au son de : " bonjour, fais coucou à la caméra ". Une fois pris le copieux petit-déjeuner et terminés la ruée vers le bloc sanitaire, les groupes équipés se rendirent au quai où nous découvrons les bateaux. Le Brigantin est un superbe voilier reconverti en bateau de plongée. Son mât désormais inutile et le bois dont est fait l'embarcation lui confèrent un charme fou. C'est un navire magnifique. L'Odyssée est quant à lui plus fonctionnel puisque mi-couvert et équipé d'une plate forme qu'un ingénieux système hydraulique permet de manoeuvrer dans toute sa verticalité, ce qui sera fort apprécié par le groupe des épaves auquel ce bateau fût dédié. Votre serviteur ayant quant à lui pris place sur le Brigantin, c'est son expédition qui sera ici relatée. A l'époque de la construction du bateau, la mer devait être moins agitée qu'aujourd'hui. Toujours est-il qu'il faut nous accrocher à un point solide pour éviter d'être trimballé en tous sens.


Texte : Pierre Jean. Photos : Laurent et Christophe.

le Brigantin.


à table à table


Aaaaaaargh !

Aaaaaaargh ! C'est sur ces derniers mots et ce cri d'agonie déchirant que le bic de Pierre Jean qui, sans doute épuisé par toute cette logorrhée scripturale (si Pierre Jean avait pu terminer son Grand Oeuvre, nul doute qu'il aurait rivalisé avec le Mahabharata), rendit l'âme. Bouleversé par cette perte ou traumatisé par l'idée de devoir aller jusque chez Lideull dépenser les 2 centimes nécessaire à l'acquisition d'un nouveau bic, Pierre Jean ne put jamais se résoudre de reprendre la plume. Néanmoins conscient de la valeur inestimable de l'oeuvre, il nous est apparu important de restaurer et mettre en ligne ce témoignage poignant quoiqu'incomplet. Car, hélas, Pierre Jean ayant certes couvert toute l'époque -3000 ans à vendredi soir, son incomplétitudation exigeait quelques lignes supplémentaires. Et c'est à moi, votre serviteur, de vous conter ces jours de grande aventure...


Chaque matin donc, notre groupe se scinda en 2. Pendant que nos camarade allèrent effectuer leurs plongées sur des tombants à bord du vénérable Brigantin, nous furent un pitit groupe à emprunter l'Odyssée pour découvrir les épaves du Grec et du Donator.


cap vers les îles

Le samedi matin, histoire de se mettre en palme tranquillement, c'est vers le Grec qu'on nous mena. De suite, ca se voit qu'on est pas sur l'Anthias et le rythme nonchalant de l'ASM n'est pas de mise. Faut faire la file pour se mettre à l'eau et heureusement que les palmes sont moins sensibles que les orteils ! Mais on est pas chez soi, sorti de son bateau on perd ses marques, y a pas mort d'homme. Faut juste tenir la cadence : sitot sur site, une palanquée d'espace mer équipée d'un propulseur sous marin file positionner un bout directement sur le Grec et les palanquées s'élancent les unes après les autres : 15 minutes au fond et hop, la remontée doit etre entamée. Peu de gras donc mais on prend quand même son temps pour descendre histoire de ne pas atteindre l'épave avec des ptits zozios cerclant autour de la tete.



Au fond, sur le sable, on découvre la bête en 2 parties. La proue, détachée, est posée à l'écart mais on l'ignore, vu qu'on nous a assuré de son inintérêt et le bout nous amène directement sur la cassure. Y a bien un bon gros courant bien senti mais sitot traversé le pont, la masse de l'épave nous en protégera et on peut profiter du site en toute sérénité.

Le Grec, le Sagona de son vrai nom (je laisserai à Pierre Jean de vous expliquer l'origine de ce surnom) était un cargo de 54 m qui fut coulé par une mine allemande après la fin de la guerre en décembre 45 (pas de pot !). Dans les faits, l'épave est encore en bon état. On en fait le tour entre forêts de gorgones et les bancs indénombrables jusqu'à passer une tête dans la coque. Pas grand chose à y voir et, pour le reste comme les coursives, pas question de s'y aventurer. On est dans la zone des 40 mètres alors pas de blague, le temps passe vite, trop vite. Le temps de reparcourir le pont pour regagner l'avant et nos 15 minutes de célébrité sont déjà finies.

Sandrine, notre GO du week end

un cténophore


Au palier, j'écarquille mes yeux comme des soucoupes car l'eau regorge de cténophores. Je comprends où Cameron a puisé son inspiration pour les créatures translucides d'Abyss ! Les plus grandes atteignent à peine les 10 cm et on ose à peine bouger dans le courant de peur d'en abimer une au passage. On s'en régale le temps du palier mais il faut remonter en abandonnant à son sort la palanquée Guy/Paulette/Francois. Ils n'ont d'ailleurs pas à regretter leur temps de palier, les canaillous recevant la visite d'un poisson lune après notre départ. Pfffff !


Le samedi après midi après le restau, l'équipe est reformée et on emprunte le Brigantin pour le Rocher des Medes. Je découvre alors le navire. C'est vrai, on se traine, mais de suite le charme agit et l'après midi prend des allures de mini croisière. Le site est sympa mais pas extraordinaire, on fait le tour du rocher et je trouve la lumière jolie mais à part des nuées de rougets fermement campés sur le sable comme le touriste sur les plages en été (ie en nombre et serrés comme des sardines) et un lièvre de mer en pleine eau, rien de bien transcendant.

Christine et Audrey

samedi midi, le restau

Le retour aux joies du camping (les toilettes, les douches où on rince le matos...) amène à un grave dilemme : restau ou pas restau. Finalement, on cède à la convivialité et c'est sur place qu'on se préparera une bonne grosse tambouille. Rien qu'avec les restes de la veille, on aurait, de toute façon, pu tenir un siège ! L'heure est ensuite au rapprochement européen. Des gamines allemandes viennent nous rançonner (c'est pas un peu tôt pour Halloween les mouflettes ?). Trick or treat ? Des friandises ? Bin, euh, on a pas de carambar par contre, des biscuits apéro... Ca les refroidit pas et les v'la qui reviennent à la charge nous supplier de leur enseigner la chorégraphie du tube de l'été fourré aux tomatos écrasées : ze ketchup song que connait justement par coeur Pierre Jean !
Inutile d'espérer le retenir donc et encore, on l'a échappé belle, ç'aurait été du Sardou et on ne le revoyait plus de la nuit ! D'ailleurs, essayez un jour de faire un entrainement pour le N4 en piscine avec Pierre Jean, vous verrez comme c'est disturbant de faire 3 minutes de palmage de sustensation les mains au dessus de la tête avec quelqu'un qui vous braille 'ne m'apeuuulé plus jeumé Fraaaaaaaaaaaaaance !' dans les oreilles !


Comme la danse sponsorisée par Heinz et moi ca fait 2 (ç'aurait été ze Toblerone song et les gamines des suédoises de 25 ans, je dis pas...) on m'initie pour me consoler aux joies du Brüderschaft, un toast porté avec un alcool au nom de ténor italien qui implique in fine un certain rapprochement (hum) des 2 participants au susdit toast. Encore faut-il le savoir ! Tant pis pour l'amitié franco-allemande, mais à l'avenir, je me méfierais (ou pas cela dit ;) ) de avec qui je porte un toast !!
Après une ballade pour digérer et cuver le ténor italien, il est temps de se coucher. Bien trop tard de toute façon, surtout vu le programme du lendemain !


une dorade royale

un mérou

Cette fois pour le groupe 'épave' c'est un peu plus sérieux. Ce matin, c'est le Donator ! Et comme il repose à plus de 50 metres de fond dans une zone où le courant est fort et fréquent, c'est pas une ballade à prendre à la légére ! Le mode opératoire est le même que la veille. Dac ! Incroyable, le bleu est encore plus... bleu. Limite fluorescent, la visi est excellente et on frôle la vision hallucinogène : le bout, blanc, si blanc, s'enfonce dans le grand bleu si bleu loin, très loin.

On y descent agrippé avec encore plus de précautions que la veille. Je fantasme sur une belle descente tout droit dans ce bleu.... mmmmmmm yum yum ! Mais tant pis, y a du jus, du fond et la prudence est de mise. Le bon côté c'est qu'on aperçoit de très haut l'épave posée sur son fond sableux dans une vision à couper le souffle ! Le Donator est plus grand que le Grec (78 mètres) mais comme lui, une mine allemande oubliée après la guerre causa sa perte en 1945. Pas étonnant qu'il repose si près du Grec, les navires avaient l'habitude de s'abriter derrière l'île à cet endroit et ce détail n'avait pas échappé aux Allemands.


Nous, on craint pas les mines mais le courant et la surprise est bonne, il se révèle négligeable au fond. Les conditions sont donc idéales et on va d'abord au plus profond voir l'hélice puis on repasse sur le pont. Large comme un boulevard, un passage permet de passer d'une cale à l'autre et on termine sur les restes de la cheminée. L'épave est littéralement couverte de gorgones énormes. Impressionnant, on les élève là ou quoi ? Les poissons sont indénombrables : castagnoles, anthias... et dans le bleu, on devine des loups, une grosse dorade ? Mais oui ! Au moment, de rejoindre le bout, c'est un bon gros mérou calé au fond de la cheminée. Dommage, le chrono tourne trop vite, il faut remonter au palier au milieu des masses denses de palanquées aglutinées sous les bateaux. C'est l'heure de pointe sur le Donator.


L'après midi, le temps se couvre et le soleil a disparu mais on termine en beauté sur la Gabinière. On est pas à l'eau depuis 5 minutes qu'on comprend la réputation de l'endroit. C'est un feu d'artifice de tous les instants. Les mérous sont ptete moins gros qu'à l'Estartit mais on les voit mieux ! On serait déjà comblé avec du mérou (la magie du 'gros' frappe encore) mais plus loin, c'est un immense banc dense de barracudas qui nous attend. On s'y enfonce, ils nous entourent, nous frôlent, c'est qu'ils sont impressionnants avec leur gueule de pitbull ! Passé le coin, faune et flore sont moins florissantes et de toute façon, c'est là que le bateau nous attend. Pour la peine, on nous remonte à bord avec l'ascenceur. Tant qu'à faire !

un mérou timide.

la langue à Bernard Mickaella chevauche le Brigantin après la plongée

une murène montre ses belles quenottes

En tout cas, on rentre au camping ravi ! Les choses se compliquent un peu au moment de régler. Ils disent ce qu'ils veulent Espace Mer, mais ils ne font rien pour faciliter la vie au client ! Les plongées, le camping et le restau se payent au même endroit mais séparèment. Si vous ajoutez à cela que pour chacune de ces structures, il avait fallu verser un acompte. Acompte dont le montant différait bien sûr ! Ajoutez à cela que entre les locations de matériel, les moniteurs d'espace mer, les suppléments divers, pas un plongeur ne devait régler la même somme. De quoi donner des migraines à tout un bataillon de prix Nobel de maths !


Enfin, la douloureuse, ça fait jamais plaisir mais c'est le prix pour passer des moments aussi super ! Merci Sandrine, toutes ces prises de tete, ca en vallait la peine !


Texte : Laurent. Photos : Laurent, Henri et Christophe.