On est bien installé à la Havane mais on va quand même lui faire une infidélité le temps d'une excursion d'une journée dans la vallée de Vinales. (attention, la phrase qui suit contient un jeu de mots redoutable) On repart donc vers l'Ouest dans la province de Pinar del Rio, soit 'le gros rouge qui tâche de rio' en français. (Pardon). Ignare comme je suis je n'en avais jamais entendu parler avant, mais cette vallée est célèbre à Ushuaiha pour ses formations géologiques particulières. En effet, à l'époque où le diplodocus et le tyranosaure gambadaient encore insouciants dans les champs de coquelicots, cette vallée était une plaine s'étendant plusieurs centaines de mètres au dessus de son niveau actuel. Peu à peu, son sous sol a été complètement sapé par des eaux de ravinement, creusant des gigantesques grottes souterraines (quels beaux parking ça aurait fait). La voute de ces grottes s'est finalement effondrée ne laissant que les énormes piliers qui la soutenaient et qui ont subsisté jusqu'à aujourd'hui formant ces fameux reliefs rocheux : les mogotes. Quand on circule sur les routes défoncées (on comprend pourquoi le Hyundai n'a plus de suspensions), on a du mal à imaginer toute la région recouverte d'un énorme plafond rocheux mais quel spectacle ça devait être ! Si seulement ces goyos de brontosaures avaient pensé à prendre quelques photos ! Prises au flash bien sûr. Mais on va pas faire les fines bouches, le spectacle actuel vaut le détour. Vinales est une des régions les plus réputée de Cuba et il suffit de regarder les photos pour comprendre pourquoi !

Sur le chemin, on fait un pélérinage révolutionnaire à la Cueva de los Portales la grotte dans laquelle le Che transféra son QG durant la crise des missiles de 62. Rappel des faits, le petit Fidel et ses potes ont viré le dictateur Batista mais se retrouvent malmenés par les ricains pas trop content de voir leur poulain poussé vers la sortie. Fidel a vite fait alors de se découvrir marxiste léniniste et de se rapprocher des soviétiques qui soutiennent alors Cuba pour faire la nique aux yankees. Comme quoi tout se retrouve. Un soir alors qu'il s'apprête à regarder Question pour un champion, Fidel reçoit un coup de fil de Khrouchtchev : 'dis voir mon pote, je trouve que ta pelouse est un peu vide, qu'est ce que tu dirais si j'y installais un ou deux nains de jardin ? Ah et puis peut-être 20 ou 30 missiles balistiques nucléaires. Dac ?' Fidel, avec ses fins de mois difficiles, était mal placé pour refuser 'euh, oui, tu vas me mettre Prof ou Atchoum ?' 'Bin, j'ai juste quelques Simplet en stock mais, tu verras, ils sont cools'. Seulement voilà, le voisin amerloque en entendit parler et se facha tout rouge ! 'ou tu me vires ces CENSURE de nains de jardin de mon paysage ou j'fais péter la planète'. Ce en quoi on ne peut pas trop lui en vouloir non plus. Comme ça bardait grave, le Che, gouverneur militaire de la région ouest de Cuba à l'époque et donc en première ligne, alla se planquer dans les montagnes près de Vinales où il installa son quartier général à la Cueva de los portales, une ptite grotte sympa, fraiche l'été et facile à chauffer l'hiver.

Comme quoi, il avait bon goût le Che car le paysage est magnifique ! Notre guide doit être le président de son fan club, car on peut pas dire qu'il n'est pas passionné ! Grosso modo, le Che est le plus grand homme ayant posé le pied sur terre depuis le Adam de Adam et Eve. Il oublie Robert, ça va s'en dire, mais je joue la carte de l'humilité et je choisis de ne pas détromper l'homme. Détail qui ne cesse de m'amuser, notre guide fait l'apologie du Che, des cubains et se gausse des yankees en arborant une magnifique ceinture Reebook, petite fabrique artisanale socialo-communiste bien connue. Mais bon, on l'écoute religieusement en visitant ces lieux saints. Exalté, je retiens mon souffle en découvrant la table où le Che mangeait et faisait ses mots fléchés (et là où -blasphème !- Robert remet une pelloche dans son appareil photo), le banc où le Che méditait, le banc où le Che jouait aux dés, là d'où il tirait à la carabine sur les palmiers et -saint des saints- la chambre où il dormait (j'espère qu'ils ont quand même changé les draps depuis le temps). Derrière le lit de campagne, un passage secret aurait permis au Che de s'enfuir en cas d'attaque. Mais notre guide est affirmatif 'mais il ne l'a jamais utilisé, le Che n'était pas du genre à fuir devant l'ennemi'.

Notre devoir révolutionnaire accompli, nous pouvons reprendre la route jusqu'à découvrir le premier mogote. Ah il me plait ce mot : 'mogote'. Moi et mon mooonngooohoootte. Mais plus on découvre Vinales et plus une impression s'impose. Ces palmiers, ces rizières, ces rochers... mais c'est le sud-est asiatique ! Ce n'est pas le Che qu'on s'attend à voir débouler au coin de la route, mais une autre figure emblématique : Rambo ! Y a juste les plants de tabac et leurs séchoirs qui nous rappellent qu'on ne traîne pas nos guêtres au Viet-Nam.

On s'est bien régalé les yeux mais il faut déjà prendre le chemin du retour vers la Havane. Mais plus on approche de la capitale et plus le ciel devient noir. Ce ne serait pas un gros orage qui se prépare devant nous ? On va l'éviter, non ? Non, on va plutôt jouer à Twister : on est encore sur l'autopista que ça commence à pleuvoir. Mais quand je dis pleuvoir, c'est bien pire que la grosse suée qu'on se prend parfois au coin de la figure, nan, c'est plutôt du genre 'monsieur Noé est demandé d'urgence à bord de sa barquette'. Bref, un orage tropical dans tout ce qu'il a de plus mouillé.

C'est l'apocalypse : il y a des feuilles de palmiers qui volent dans tous les sens, les rues qui sont inondées jusqu'au dessus des essieux, des voitures calées en tout sens, des bouchons... Et cette pluie, cette damnée pluie qui te transforme en serpillière au bout de 2 secondes passées hors de la voiture ! Et Robert qui nous annonce calmement : 'quoiqu'il arrive dans 20 minutes j'arrête parce qu'on a plus d'essence' Oups ! Mais finalement, on ne cale pas au milieu d'un carrefour, on trouve une station service ouverte, on ne se prend pas un arbre sur la tête, on rejoint l'hôtel sains et saufs. Amen ! Cette traversée de la Havane sous l'orage, encore un souvenir à ajouter au grand livre de l'ASM ! Tiens, et si on restait manger à l'hôtel ce soir, nan ? On nous fait un prix (10$ au lieu de 18), mais comme c'est pas bon, cette générosité nous laisse complètement froid !