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Le flirt de l'ASM avec les époques antédiluviennes a commencé par un fossile. Robert, notre président vénéré, est fou
de la Fous d'Allos et là haut dans les hauteurs, il y avait l'empreinte de cette drôle de bestiole qui
lui avait fait de l'oeil. Une empreinte bien mystérieuse en forme d'étoile. D'ailleurs, vous m'auriez demandé, j'aurais dit
que c'était le fossile d'une étoile de mer adepte de la varape morte au cours de son ascension ou alors une de ces sales
bestioles pondeuses du film Alien. Mais Robert préférait quand même en avoir le coeur net, il en fit une photo qui circula
jusqu'à ce qu'elle parvienne à une sommité
qui y connaisse quelque chose en empreinte bizarre sur caillasse. En l'occurence, le docteur Davide Olivero, professeur
à l'université de Lyon, expert en ichnologie qui est l'étude des traces fossiles d'activités animales. En 2002, lors d'un
week end, nous avions pu lui présenter le fossile en situation et là haut, il ne lui avait pas fallu longtemps pour
battre en brèche ma théorie (audacieuse pourtant) de l'étoile de mer alpiniste. |
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Les sédiments qui ont comblé ces passages se sont solidifiés et ont formé cet enigmatique fossile. Même si j'étais déçu de voir ma théorie battue en brèche le contact était formidablement bien passé et Davide, désireux de transmettre un peu de savoir aux amateurs que nous étions, nous avait convié à un week end de découvertes dans la région de Castelanne. |
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8 mois plus tard, rendez vous était donc pris au gite de Moriez où nous avons retrouvé Davide accompagné de Lucas, un de
ses élèves.
Pour faire bonne mesure, Christine Roche qu'on connait bien au club et Richard Lion, tous 2 de la commission bio de Provence
complétaient notre groupe.
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Pas de pot, on reste dans une clue. Au fait, une clue, c'est une gorge étroite dans la vallée d'un torrent et celle qui nous intéresse maintenant se situe sur le Bès (le premier garnement qui ricane a un gage) au sud de Barles. Et ce que nous sommes venus voir, ce sont les chenaux du Berriassien. Le Berriassien est une période située à la fin du Jurassique, il y a quelques 130 millions d'années. A l'époque donc, nous étions au fond d'une mer traversée par de violents courants circulant d'est en ouest laminant le substrat, creusant des canaux où pouvaient s'ébattre des tas d'animaux qu'on imagine pas et qu'on est bien content de ne pas croiser sur le tombant de Mejean de nos jours. |
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Peu à peu, des sédiments sont venus remplir ces canaux et le temps faisant son oeuvre le tout s'est solidifié. Le fond marin devenant la marne, une roche argileuse, et les sédiments dans les canaux devenant une roche calcaire. Au fil du temps, les Alpes se soulevant, le tout s'est retrouvé dressé à la verticale. A l'air libre, l'érosion est entrée en jeu et la marne, moins costaud disparait peu à peu, laissant seule la roche calcaire, empreinte de ces fameux canaux. En gros, c'est comme quand vous piquez le mako moulage de Pocahontas du p'tit dernier et que vous le passez au chalumeau, le moule, mou, est décapé pour laisser apparaitre le platre. Reste plus qu'à le peindre au pinceau à 3 poils en soie de cochon nain, mais là, c'est une autre histoire. |
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Plus loin, on sort la tête de l'eau et on file à la plage. Enfin, on aurait pu si les RTT avaient existé il y a 20 millions d'années. Les sites de la vallée du Bès sont maintenant en bordure de la mer et sur la plage de sable fin, y avait moins de monde qu'au Rouet en Aout. Sur le sable vierge de toute serviette, les courants sculptent de fines rides, là où de petits échassiers gambadent parfois à la recherche de nourriture. Parfois le sable a pu se fixer et se transformer en grés suffisamment rapidement pour que leurs empreintes ne soient pas effacées et parviennent jusqu'à nos yeux. |
Il faut quitter la route et grimper à flanc de montagne sur quelques centaines de mètres pour les découvrir, protégées par des vitres épaisses. C'est malheureux mais avant elles étaient situées en contrebas et des indélicats (mot poli loin de traduire toute ma pensée, mais sinon le contrôle parental interdirait l'accès à notre site jusqu'à la prochaine ère glaciaire) n'avaient aucun scrupule à les attaquer au burin. |
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On redescend le Bès vers Robine sur Galabre jusqu'au col des Robines découvrir le squelette de l'Ichtyosaure. Alors d'abord
qu'est ce que c'est qu'une Robine ? C'est le terme du cru pour désigner des gros talus noirs faits de terre argileuse
noire car riche en matière organique. Bref, c'est pas du charbon, mais un jour peut être...
Quant à Ichtyosaure, ça vient du grec ikhtus qui veut dire poisson et sauros qui signife lézard. Le poisson lézard, c'est
à juste titre parlant : l'animal ressemble assez à un dauphin avec de grands yeux (c'est pour mieux te voir) et de grandes
dents (c'est pour mieux manger des Tuc). L'Ichtyo, à l'origine, galopait sur la terre ferme mais a peu à peu retrouvé le
chemin de la mer où ses membres se sont transformés en palettes natatoires. Et s'il ressemble au dauphin alors que les 2
animaux n'ont rien en commun, c'est bien la preuve que les mêmes causes provoquent les mêmes effets. Ca s'appelle la co évolution :
confronté au meme milieu, leur organisme aura évolué de la même façon. Sauf qu'on a rarement vu des dauphins de 15 m de long.
Même pas Oum après y avoir été fort avec le Galak.
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On quitte Ichtyo pour aller rêver avec les sirènes. Vous vous doutiez qu'il y avait des fossiles de sirène du coté de
Castellanne vous ? Bin si ! Bon, bien sûr, oubliez Andersen, Barnum ou Daryl Hannah, ces sirènes sont des
sirèniens. Des dugons quoi ! De suite, ça calme les ardeurs ! N'empêche, je ne me lasse pas de m'émerveiller du processus
qui a su inspirer, en voyant ces bovins animaux, aux poètes les sublimes créatures à queue de poisson qu'on connait mieux.
On quitte le col des Lèques pour un peu de marche jusqu'à la vallée où, là encore, on a choisi de laisser les fossiles sur
site en les protégeant des pillards par d'épaisses parois vitrées.
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Après une soirée des plus nourrissante où la dégustation de substances exotiques a trouvé son point d'orgue avec le vin à l'orange de Christine, le dimanche nous a vu nous déplacer vers Castellanne. Déception, le musée Sirènes et fossiles est fermé malgré ce qui est annoncé sur les plaquettes. Tant pis, on se dirige vers le barrage EDF sur le lac de Castillon. Davide nous fait découvrir l'oeuf de Castellanne, une formation géologique qui tire son surnom de sa forme et de la couleur jaune des genets qui y poussent. |
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A l'ère primaire, la région est émergée et le climat est tropical. Au Trias, la Pangée (le continent unique original) se casse en 2 laissant apparaitre une mer, la Téthys, très lointaine ancêtre de la Méditerranée. L'eau envahit alors la région qui devient une lagune : 1 m d'eau, 60° à l'ombre et donc forcèment une grande évaporation qui laisse beaucoup de cristaux de sel. Ceux ci sont aujourd'hui disparus et, du coup, la pierre qui s'est formée à partir de cette époque est poreuse des trous qu'ils ont laissé. Cette roche, c'est la cargneule et elle a été notamment utilisée pour construire le fort de Brégançon, sa structure poreuse particulière en en faisant un excellent airbag contre les boulets de canon. |
C'est près d'une route qu'on s'arrête encore. Là, à la suite des mouvements de terrain, les couches ont été dressées
verticalement et c'est littéralement 20 millions d'années de l'histoire de la terre que Davide nous détaille, tranche par
tranche.
On y retrouve notamment les formations en étoiles créées par ces vers vivant dans le sédiment. Retrouver ce type
de fossile nous a permis de boucler la boucle et de refermer de ce week end de ballade entre Trias et Jurassique.
En attendant une prochaine plongée sur des fonds vieux de plusieurs millions d'années, un petit problème de table :
profondeur : 400m, durée : 20 millions d'années. Combien de palier pour désaturer complètement ? Attention, il s'agit
d'une plongée en altitude !
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