Le lac en bref

le lac en cinémascope

au détour du sentier

Situé dans le parc du Mercantour
altitude : 2230m
pression atmosphérique : 0,775 bars
longueur : 1100m
largeur : 650m
profondeur maximale : 49m
ce qui représente une superficie de 60 ha
et un volume de 54 millions de m3
température au fond : 3° toute l'année




vu d'un sommet voisin



Retour vers le passé


il y a 20 ans, l'ASM était déjà là

L'ASM et le lac d'Allos, c'est une histoire vieille de 20 ans. En effet, ce fut les 27 et 28 aout 1983 que l'ASM plongea au lac pour la première fois. Ce n'était pas une simple toquade, au fil des années, plusieurs expéditions se succédèrent jusqu'en 1987.
Mais 16 ans de tranquilité, c'est bien trop long et en cette année 2003, le 20ème anniversaire de cette première plongée allait être célébrée par une expédition anthologique, crénom !

il y a 20 ans, l'ASM était déjà là


Mais si on se devait d'y retourner en force, ce n'était pas (que) pour le plaisir de plonger dans un site exceptionnel, nous nous devions d'en apprendre plus sur l'histoire et l'écologie de ce lac d'origine glaciaire.



Des objectifs ambitieux

En liaison avec le professeur Olivari directeur de la Maison régionale de l'eau, un programme scientifique costaud fut mis sur pied. Ce n'est pas tous les jours qu'il est possible de plonger ce genre de lacs dans un tel environnement et nos contacts scientifiques ont su profiter de l'aubaine. Bref, il n'y aurait pas de quoi fainéantiser en 2 jours dans les hauteurs !

  • effectuer un inventaire des algues présentes dans le lac
  • trouver les frayères à Omble Chevalier, ces poissons sont présents dans le lac mais leur lieu de reproduction restait inconnu à ce jour
  • retrouver les pièges à sédiments posés en 1987 pour confier leur étude aux professeurs Debeaulieu et Cazaubon
  • installer une chaine de capteurs mesurant la température et la lumière sur une verticale entre la surface et le point le plus profond du lac
  • prélever de l'eau et des sédiments pour effectuer des mesures physico-chimiques
  • évaluer la charge organique apportée au lac par le refuge situé sur ses rives en mesurant le potentiel redox
  • prélever des carottes de sédiments au plus profond du lac




  • La préparation

    Une expédition comme celle d'Allos, ça ne s'improvise pas et le week end sur place n'était que la partie immergée d'un iceberg fait d'une année de travail.
    Le lac est situé dans une zone protégée et il va s'en dire (mais je le dis quand même) qu'on n'y plonge pas comme on le ferait à la Vesse. Le plus difficile fut sans conteste d'obtenir les autorisations et la mission des 20 ans ne fut pas la mission des 19 ans uniquement pour des raisons administratives. Mais au moins, le délai permit de revoir à la hausse le programme des manips à effectuer.

    été 2003, test d'étanchéité des MIEPS en mer

    En 2003, les fameux sésames nous fûmes enfin accordés et il était temps de passer aux actes. Il fallait rassembler l'équipe (M. Phelps ?), le matériel, voire le créer quand il n'existait pas...
    Ce fut le cas des MIEPs par exemple. Les MIEPs, c'est pas les cousins des Munchkins, mais les Modules Immergeables d'Enregistrement de Paramètres. Et c'est l'ASM qui les a inventés ! Wouiwoui ! Moi je dirais, rien que pour avoir trouver le nom, on mérite le prix Nobel ! L'avantage d'un club comme le notre est de rassembler des talents de tous horizons. Patrick Comminges, électronicien de métier, a ainsi été le papa de ces fameux MIEPs.
    Dans un fourreau étanche, des capteurs mesurent température et luminosité à intervalle régulier et les stockent. A la fin de l'expérience, on les collecte et on n'a plus qu'à extraire pour analyse les résultats qu'un logiciel permet d'explorer sous formes de courbes.

    un MIEP autopsié courbes obtenues grâce à un MIEP



    Les autres moyens mis en oeuvre sont plus traditionnels. Les voitures sont bien évidemment interdites au lac mais avec tout le matériel qu'on a, on solicite -et on obtient (ouf !)- une autorisation exceptionnelle valable uniquement pour acheminer notre bardas. Le chemin étant taillé pour les mouflons agiles, l'aide des 4x4 de Lorenzo et JB sera plus que précieuse : obligatoire !

    Et ce n'est pas tout ! Le lac fait plus d'un kilomètre dans sa plus grande longueur. Un zodiac nous est donc nécessaire pour s'y déplacer en toute sécurité. Sale coup, on devait nous en prêter un équipé d'un moteur électrique. Patatras, le voilà parti vers d'autres cieux. JB met alors à disposition le sien (un vétéran du lac) mais il est équipé d'un moteur à explosion et les représentants du parc se montrent intraitables : polluant donc interdit. On comprend leur raison, mais pour nous c'est un sale coup. Les déplacements se feront à la pagaye et c'est notre sécurité en plongée qui en prend un sérieux coup. Avec plusieurs équipes dans l'eau, il ne sera pas possible d'intervenir rapidement.
    Le reste du matériel ne pose pas de problème : le compresseur portatif nous est prêté par la commission souterraine (on retrouve donc le matériel vu à nos week ends d'initiation) et les parachutes de levage par le Comptoir des Sports à Marseille.



    été 2003, Pierre Jean teste les 2 combis superposées

    Après, pour l'équipement personnel, à chacun sa méthode pour s'adapter au froid et à l'altitude. Pour l'altitude, c'est relativement facile. Au choix un jeu de table corrigé ou un ordi capable de s'adapter et un peu de prudence. Pour le froid à chacun sa méthode : ou combinaison sèche ou semi étanche ou location d'une deuxième combinaison XXXL à enfiler au dessus de sa 7mm habituelle...



    Les carottes

    Parmi les défis à relever pendant ce week end, le plus ambitieux était sans conteste le carottage du fond du lac. Un défi physique et technologique de premier ordre à notre niveau !
    Déjà, les conditions sont extrêmes : 2200 m d'altitude, 40m de fond, saturation équivalente à 50m en mer, eau à 3°, visibilité nulle, détendeur susceptible de geler à chaque instant... Atteindre le fond du lac est déjà une épreuve, y travailler, c'est partir à la guerre ! Je voudrais bien y voir Nicolas Hulot !

    Nature du fond, force de succion de la vase, nécessité de maintenir la carotte droite pour ne pas perturber l'étagement des différentes couches... après avoir envisagé chaque difficulté, une procédure est finalement arrêtée :

  • mise en place d'un bout du fond jusque 2m sous la surface doublé d'un flexible reliant les parachutes de levage à une bouteille d'air située au fond
  • plantage des carottes dans le fond du lac
  • fermeture de la carotte par un bouchon spécial
  • arrimage de la carotte au bout
  • gonflage des parachutes
  • en rejoignant la surface, les parachutes extraient la carotte de la vase mais ne la remontent que 2 mètres
  • les plongeurs procédent à la remontée lente de la carotte
  • la carotte est maintenue verticale sous la surface
  • au lac juste avant le départ, sortie de la carotte du lac, congelation à l'aide de carboglace, découpage et acheminement congelée jusqu'au laboratoire à Marseille



  • La mission - Jour 1

    Les départs pour le lac se font tout au long du vendredi. Pour notre partie de l'équipe, on part du club en début d'après midi et la première étape sur le chemin des hauteurs passe par Vitrolles où on se procure chez Air Liquide les 50kg de carboglace qui seront utilisées pour congeler les carottes.

    On charge les très grosses glacières dans le fourgon prêté par Richard Tchelekian et cap sur Allos !


    chez Air Liquide, récupération des 50kg de carboglace

    Matos et plongeurs se retrouvent au dernier parking tout au bout de la route. Là, le garde du parc nous ouvre donc la barrière et on transvase le matos dans les 4x4 qui le monteront en plusieurs navettes, et nous on suit à pied. La piste est raide et la pente parfois forte (comment peuvent ils passer en 4x4 par ici ?) mais on monte avec un réel plaisir. S'il l'avait fallu c'est avec le bloc sur le dos que j'y serais monté à ce lac !

    non, c'est pas les sandwich qu'on transporte dans cette glacière


    On est au refuge en fin d'après midi. A temps pour prendre possession du dortoir (vite la place du haut !) et découvrir les sanitaires : toilettes écolo sans chasse d'eau et un petit lavabo unique pour la toilette. Mais si certains ont besoin de plus de place pour s'ébrouer, qu'ils n'hésitent pas à piquer une tête dans le lac ! Euuuh un bain de minuit dans le lac ? Brrrrr, nan, pour moi, le lavabo ira très bien !


    le matériel est chargé à bord des 4x4 Le 4x4 prend la route des cimes
    le refuge (au second plan) et son dortoir sur les bords du lac     notre matériel du week end entreposé sous le dortoir



    La mission - Jour 2

    C'est le grand jour ! Lever donc à l'aube et après les ablutions du matins (dans le lavabo, merci) et le petit dej, y a du montage à faire.

    Le compresseur est mis en route, le zodiac est monté (non sans mal !) sans sa motorisation et Robert prépare les opérations du jour.

    les premières lueurs de l'aube percent au dessus des sommets


    le compresseur est mis en route



       ici sera notre camp de base
       les blocs alignés comme à la parade
    faut monter le zodiac...    ...puis le gonfler (ici JB à l'oeuvre)...    ...avant qu'il ne soit prêt à partir à l'eau


    On prépare les équipes, on répartit les tâches et allez, équipement !

    Un premier zodiac part avec 2 équipes à bord : pendant que certains vont traquer l'Omble Chevalier, avec Pierre Jean et un moniteur, on va tenter de retrouver les pièges à sédiments à l'extrémité opposée du lac.

    le zodiac sur le lac


    Je suis plus engoncé que le bonhomme Michelin : j'ai enfilé une 5mm XXL sur ma 7mm, j'ai mis 2 paires de gants et des chaussettes de néoprene dans mes botillons.


         attack of the bonzhommes Michelin      montée à bord du zodiac


    Alors le froid ? Avec un tel harnachement et des immersions courtes on ne le sent pas trop finalement... au début. Après il s'impose peu à peu insidieusement. Sauf au niveau de la tête où l'effet est immédiat : mal aux cervicales et une méchante barre douloureuse au dessus des yeux. Dans les 20 premiers metres l'eau ne descend pas à moins de 6°. C'est déjà pas beaucoup mais faut penser à ceux qui vont descendre bien plus bas.



    lac d'Allos : ze next génération de l'ASM    Henri en chevalier du zodiac    Robert a sorti sa semi-étanche et sa souris rouge, c'est dire si l'évènement est d'importance



    Et c'est à presque que 40m que se déroule l'essai de carottage. La palanquée de Robert descend donc dans le froid et l'obscurité. En dessous de 10m, on ne voit déjà plus sa main tendue à bout de bras, 30m plus bas, ca doit pas être triste ! Les carottes sont enfoncées dans la vase sans difficultés mais le détendeur de Robert givre et se bloque en position fermée. Aie ! Sans air, c'est le retour surface obligé sans que la carotte soit bouchonnée et fixée. Echec, les carottes restent plantées au fond du lac.

    Pas de chance non plus pour trouver les frayères à Omble Chevalier, l'animal gardera ses secrets.



    à la rechercher des pièges à sédiments    le panier destiné à collecter les pièges à sédiments reste bien vide    plus on descend et moins on voit


    Un piège à sédiments sera retrouvé et extrait du lac. Mais bilan mitigé là encore, le bout reliant les pièges entre eux s'est cassé et ses petits frères restent introuvables dans l'épaisse couche de vase recouvrant le fond.



    le plantage des mini carottes    vous trouvez qu'on ne voit pas grand chose sur ces photos ? Hé ! Sur les autres, on voit qu'dalle !    la mini carotte, plus facile à planter que la grande

    mesure du potentiel redox d'une mini carotte

    La méthodologie pour les mesures du potentiel redox est simple : on part du bord selon une ligne droite et on prélève à 3, 5, 10 et 15m des mini-carottes qu'on ramène au pied du refuge où les mesures sont effectuées bien au sec. Nous pendant ce temps, on attend dans l'eau pour pouvoir recommencer un peu plus loin. Batifoler au fond est une chose, attendre en surface 3/4 d'heure la fin des mesures en est une autre : ça caille sévère mais à tout prendre c'est mieux que d'attendre mouillé sur la rive, fait meilleur dans l'eau !

                         l'appareil de mesure

            consignation des résultats


    le repas du soir    le carottage de Flamby plus aisé que le carottage d'Allos    bougies pour le 20ème anniversaires de la première plongée du lac par l'ASM

    Le soir au refuge, on tire les premiers enseignements de cette journée. La déception est grande d'avoir échoué dans l'opération de carottage mais cela ne nous empêche pas de fêter dignement les 20 ans de la première plongée de l'ASM au lac !





    visages du lac au coucher du soleil    visages du lac au coucher du soleil    visages du lac au coucher du soleil



    La mission - Jour 3

    Il ne nous reste plus que le dimanche matin et on a encore pas mal de pain sur la planche.
    La pièce de résistance du jour est la seconde tentative de carottage. C'est prioritaire et le lent zodiac sera affecté à cette mission. Pierre Jean et moi devons de notre côté tenter à nouveau de retrouver les pièges à sédiment. Dans la vase, ce ne sera pas facile mais une mission en apparence impossible ne nous fait pas peur ! Le zodiac réquisitionné, nous ferons la traversée du lac à la palme.

    le briefing pour préparer la seconde tentative de carottage

    allez trouver des pièges envasés dans un embrouilli pareil !

    Nous ne retrouvons pas les autres pots à sédiments (c'était vraiment impossible vu les conditions) mais nous assistons à la seconde tentative de carottage. Malheureusement sans plus de succès que la première fois. Le chantier de la veille n'est pas retrouvé et -fatalitas- un nouveau détendeur qui gèle (un modèle anti givre dont on taira la marque) fait capoter à nouveau l'opération. Dommage !



    le piège à sédiments éprouvé par 16 années passées au fond du lac    Robert remet solennement le piège trouvé à Sophie qui se chargera de procéder à son analyse    les pièges à sédiment tels qu'ils se présentaient en 1987


    la ligne des mieps est préparée à terre avant son immersion


    Georges Olivari parraine l'opération

    Un motif de satisfaction vient tempérer les déceptions de la journée et fais pencher le bilan de la matinée vers le + quand la chaine des MIEPs est installée sans difficultés à l'endroit prévu. Chacun de ces modules enregistrera donc température et intensité lumineuse de la surface au fond et rendez vous est déjà pris pour la récupération de l'ensemble pour l'été 2004. Ce qui, voyons un peu, nous fera : 365 jours x 1 mesure toutes les 20' x 1 mesure de tempé + 1 mesure de lumiere... mmmm.... 52560 mesures à exploiter par MIEP ! Pfiouuuu !

    Robert et JB préparent le flotteur (en jaune) et les MIEPs (modules gris) sous le regard du représentant du parc

    l'autorisation du directeur du parc apparaitra sur la structure


    Ces derniers éléments mis en place, il nous faut déjà penser à ranger et mettre en route la noria des 4x4 pour redescendre en plusieurs voyages notre matériel et entreprendre le chemin du retour vers Marignane.

    les copeaux de carboglace   finalement, les 50kg de carboglace ne nous auront pas servis   les parachutes de levage prêts à être ré-empaquetés   échange des dernières impressions avant d'entamer la dernière redescente   le dernier 4x4 quitte les rives du lac



    Le bilan

    Alors le bilan de ce week end ? Nos amis scientifiques travaillant sur le long terme, les résultats seront longs à venir et plus longs encore à interpréter. Il faudra longtemps pour connaître le bilan scientifique exact. Sans parler des mesures des MIEPS qui se feront attendre tout une année.
    Bien sûr, on est tous déçus de l'échec de la partie la plus spectaculaire, les fameux carottages. Mais préparer une telle opération quand on n'est pas des scientifiques n'est pas une sinécure. Ce week end aura au moins été riche en enseignements quant à la façon de procéder et les points faibles du matériel. Ce sera donc aguéris et bien mieux préparés que nous retournerons au lac. Sous réserve de réussir à décrocher les fameuses autorisations !

    Restera pour les plongeurs que nous sommes avant tout, le souvenir ébloui de plongées exceptionnelles dans un cadre fabuleux. Le fait de refaire surface après une plongée riche en sensations nouvelles au milieu des sommets qui entourent le lac justifie à lui seul tous les efforts et le travail accompli.
    A bientôt Allos et pas dans 20 ans, on espère !



    Texte : Laurent
    Photos : Henri, Lorenzo et Laurent





    Encore merci !

  • au garage Fiat de Richard Tchelekian à Marignane pour le prêt du fourgon
  • à la commission de plongée souterraine pour le prêt du compresseur portable
  • au Comptoir des Sports à Marseille pour le prêt des parachutes de levage
  • et puis bien sûr, merci à tous ceux qui ont contribué à rendre possible cette expédition !




  • bin oui, le froid, la plongée et l'altitude, ça marque !    le lac n'est pas dépourvu de vie    T'as froid Christine ?
    les algues sont présentes au lac    des branches d'arbre tombées dans le lac recouvertes de lichens    c'est parfois un paysage de pierres nues qui est révélé par nos phares
    un paysage lunaire. Sauf qu'il n'y a pas d'arbres sur la lune bien sûr !    un bouquet d'algues    la vue qui s'offre au plongeur à son retour surface