L'ASM a eu l'insigne honneur d'être choisie pour accueillir un stage national de biologie ouvert aux MF1 de bio. Excusez du peu ! Bien sûr, pour nos ASMeurs, cela signifiait passer la main le temps d'un week end de plongée, mais on a le sens de l'hospitalité à l'ASM et nos membres étaient les bienvenus pour venir suivre les conférences.

De la Manche à la Corse, de l'Est à l'Ouest, des plongeurs des 6 coins de l'Hexagone s'en sont donc venus fouler le pont de notre Anthias, rejoints par les régionaux de l'étape dont certains, comme André, Richard ou Christine ne sont pas des inconnus de nos eaux.

à bord de l'Anthias

la villa Ferrage

Convoyés par Henri dans son Kangoo gris (dommage, s'il avait été roux, j'aurais pu postuler pour un prix au festival mondial de la blague) ou venus par leurs propres moyens, nos invités arrivés dès vendredi soir furent les premiers à découvrir l'hospitalité de la villa Ferrage, la structure mise en place par la Mairie de Marignane pour accueillir les groupes invités par les assoss sportives de la commune. 17 places dans un cadre agréable proposées à un prix modique et situées dans la ville, un site idéal qui fit le bonheur de nos invités. A l'exception peut être d'un panneau 'SORTIE' particulièrement lumineux dans les chambres, comme quoi les normes de sécurité ne sont pas toujours synonymes de confort.



Samedi matin, après le petit déjeuner pris à la Villa, nous fimes découvrir la Redonne et notre Anthias à nos invités. Le matériel amené au port par Lorenzo avec 4x4 et remorque a permis la plongée sur la Faille de Mejean qu'on connait bien. Bonne plongée, dommage que les gorgones soient fermées au moment de notre passage.

Lorenzo et sa remorque

rassemblement devant le club   rassemblement à la Redonne   l'apéro du samedi soir   et le repas

la conférence

Après cette belle petite ballade, l'après-midi fut plus studieuse avec une confèrence menée de main de maitre par Georges Olivari consacrée aux zones humides en général et à l'Etang de Berre en particulier.

Un apéritif des plus convivial permettant les échanges inter-régionaux mena tranquillement à la paela qui offrait de quoi largement rassasier l'assemblée.

Georges

Jean Charles

Pour conclure le stage, une seconde conférence dirigée par Jean Charles offrit un panorama des espèces méditerranéennes menacées et protégées par la convention de Berne.

Cette convention adoptée le 19 septembre 1979 et entrée en vigueur en 1982 a pour but d'assurer la conservation de la faune et de la flore sauvages ainsi que de leurs habitats naturels. Une noble mission à laquelle ont souscrit 45 états et qui, je parie, fut signée à Berne.

la carte de l'étang

Zoom sur l'Etang de Berre...

Placés comme on est sur la plage du Jaï, le sujet de l'Etang de Berre nous touche de près. Même si l'ASM n'y trempe pas ses palmes, profitons du prétexte de la conférence de Georges pour lui accorder un coup de projecteur.


Les zones humides

D'abord, un peu de définition. Késako une zone humide ? Est dite zone humide toute zone inondée ou gorgée d'eau de façon temporaire ou permanente : etangs, lacs, marais. Ces zones représentent environ 2,4% du territoire français et leur rôle de régulation est primordial. Lors des fortes pluies, elles se gorgent d'une eau qui se révèle bien utile quand la sécheresse survient. Havre pour un tiers des espèces végétales et la moitié des oiseaux, elles assurent aussi un rôle important dans la protection de l'environnement. Elles sont malheureusement en danger, leur superficie ayant diminué de 50% en 60 ans.


L'Etang

L'Etang de Berre est agé d'environ 7000 années pendant lesquelles on l'a laissé à peu près tranquille. Certes, les Romains avaient commencé à grattouiller d'ici de là puis le canal de Caronte à Martigues fut ouvert en 1863 mais les dégats commencèrent véritablement par le début de l'industrialisation du site à la fin des années 20.

c'est pas comme ça tous les jours : la plage du Jai derrière le club recouverte par la neige

flamants rose et entrepôts, une cohabitation parfois difficile

Les effets de la pollution

Dès lors la situation ne cessa de se dégrader, l'étang servant de tout à l'égout pour les dizaines d'industries polluantes venues s'installer les unes après les autres. Dès 1957, la pêche fut ainsi interdite sur l'Etang. Mais le coup de grâce fut porté par EDF en 1966 avec l'ouverture du canal entre la Durance à Cadarache et St Chamas. Cet apport d'eau douce et très chargée en particules en suspension eu des effets désastreux quasi immédiats.


S'il existe des poissons d'eau douce et des poissons d'eau salée, peu sont les espèces capable de s'adapter aux 2 milieux. Et aucune ne peut prétendre survivre dans les conditions infernales imposées au biotope de l'Etang. Les rejets de l'usine EDF de St Chamas ne sont pas constants mais varient énormèment au fil du temps en fonction des besoins énergétiques et du niveau d'eau de la Durance. Ainsi s'ils sont quasiment nuls en période de de sécheresse, ils peuvent atteindre les 6,6 milliards de m3 rejetés en une année (chiffres 1977). Ce qui correspond à plus de 6 fois le volume total de l'étang ! Aucune espèce ne peut survivre à des telles variations irrégulières du niveau de salinité. De plus, ces eaux, chargées en particules, ont tendance à se répandre en surface. Il se créée un véritable couvercle asphyxiant ainsi les fonds en les isolant de la surface et les empêchants de renouveler leur oxygène.

cygnes dans les Salins du Lion de Vitrolles

cygnes et cheminées

Autre pollution, due à l'augmentation de la présence humaine, de l'activité agricole et du trop peu de stations d'épuration aux normes autour de l'étang : la prolifération des rejets de matière organique qui entraine le phénomène d'eutrophisation Les eaux de l'étang se chargent en sels nutritifs (nitrates, nitrites, phosphates...) dont les aquariophiles ne pourront que confirmer l'effet désastreux sur la faune. Par contre, ils font le bonheur des végétaux : les algues s'y développent de manière excessive colorant les eaux voire les rendant toxiques et renforçant l'effet de couvercle sur l'étang. A leur mort, ces végétaux pourrissent, souillent les plages, dégagent des odeurs nauséabondes et leurs résidus tombent et recouvrent le fond. Tous ces facteurs combinés contribuant à faire du fond de l'étang un désert de vase noire nauséabonde.


Une vase qui se révèle être une véritable bombe à retardement. Tout ce dont on l'aura gavé durant toute ces années, l'étang l'a patiemment stocké dans ses bas fonds. Les sédiments ont stocké au fil du temps les métaux lourds à outrance (cadmium, chrome, mercure, PCB...). Même si on arrêtait toute pollution immédiatement, ce seraient des tonnes de saletés toxiques qui se dégageraient peu à peu dans l'eau.

oiseaux sur fond de cheminées
l'étang de Berre, un paradis perdu ?

Les conséquences sont désastreuses aujourd'hui. En 1929, la salinité relevée était de 32g/L. Les recensements de la faune comptabilisaient les moules, huitres, muges anguilles, alose, anchoix, loups, sardine.... Aujourd'hui, ne restent guère que des muges, anguilles, loups et daurades tentant de tirer leur épingle du jeu dans une eau dont la salinité varie entre 10 et 25g/l.


Espoir...

Car il reste malgré tout de la faune. Les marais et salins qui bordent l'étang sont un lieu de passage privilégié pour les oiseaux migrateurs. La sécheresse qui a sévi en 89/90 aura au moins comme effet positif de démontrer les capacités de régénération naturelle du milieu. Sans rejet d'eau douce en 2 ans, la salinité est vite remontée et on a observé des repeuplements d'huitres et autres organismes qui avaient déserté les lieux.

flamants rose et entrepôts, une cohabitation parfois difficile

l'étang prisonnier de sa pollution encore longtemps ?

... et désespoir

Malheureusement, il convient de rester prudent sur les plans de réhabilitation de l'étang qui circulent. Certes, depuis 1971, la mise en place de normes plus restrictives a permis de réduire la pollution et limiter les volumes rejetés par EDF et la pêche est même à nouveau autorisée depuis 1994. Mais il est toujours extremement difficile d'intervenir sur un milieu naturel surtout quand comme l'étang, il n'est qu'une pièce d'un immense ensemble.
A Berre, même sans variations de salinité et sans limons, il restera toujours les métaux lourds stockés dans les vases. La véritable solution serait elle de vider l'etang et de le récurer ?
Au moins, quitte à faire de l'étang un martyr, si on pouvait retenir la leçon et surtout ne pas reproduire les mêmes erreurs ailleurs. Mais rien n'est moins sûr. Paradoxe d'un système prêt à mobiliser des sommes considérables pour tenter avec un espoir de résultat incertain de trouver une solution à une situation qu'on laisse se dégrader encore aujourd'hui.


L'Etang en bref et en chiffres...

surface : 155km2
profondeur maximale : 9 m (10 dans les années 20)
contient 980 millions de m3

alimenté par l'Arc, la Touloubre, la Durancole, la Cadiere
ainsi que l'usine EDF de St Chamas
et en eau de mer par le canal de Caronte

population autour de l'étang : 210 000 riverains
Marignane : 5000 habitants en 1963, 40 000 aujourd'hui

28 établissements classés Seveso
(du nom de la ville d'Italie marquée par l'explosion d'un réacteur chimique en 1976 qui dégagea un nuage de dioxine)
22 pipe line transportant pétrole, fuel lourd, gazole traversent l'etang

10 plages
8 ports plaisance ou de pêche


Texte : Laurent. Photos : Sandrine et Laurent
(sources : Georges, plaquette du GIPREB, web)