Préparation


Le réseau européen Natura 2000 compte environ 1400 sites en France, sélectionnés sur des critères de rareté et d'intérêt écologique.
L'idée derrière ce réseau n'est pas de créer des sanctuaires ou des réserves hermétiques mais de promouvoir la gestion de ces sites en concertation avec les différents intervenants écologiques mais aussi économiques. Le Groupe d'Interet Public Calanques est l'agent Natura 2000 pour le site protégé des Calanques.


Laure et le rateau à grande nacre

Dans le cadre de sa mission, il a mis en place en 2003 un groupe de travail "plongée" avec l' Office de la mer de Marseille où il a été retenu comme objectif prioritaire la mise en place de recensements. Espèces protégées particulièrement emblématiques, la grande nacre (pina nobilis) et le mérou (Epinephelus marginatus) ont été retenues et un premier recensement a été effectué en 2003. Le bilan positif et l'accueil fait par les structures locales à cette initiative ont amené à la reconduire cette année.

Un appel au bénévolat a ainsi été lancé dès mars 2004, suivi de réunions préparatoires pour une opération plannifiée du 17 au 20 septembre. Mais mettre en place une opération d'une telle envergure avec autant de plongeurs et de bateaux n'est pas une mince affaire ! Portée comme le monde par Atlas par la seule Laure Broquière du GIP, la manifestation aura chancelé sous les coups du sort : panne de bateau, problème administratif avec les affaires maritimes, météo pas du tout favorable... Après une telle succession de crochets du droit, Laure préféra jeter l'éponge juste avant la cloche et reporter le recensement.
La conférence prévue fut néanmoins maintenue et ceux qui trouvèrent le chemin de l'INPP purent assister à une conférence du professeur Boudouresque consacrée aux biocénoses marines dans les calanques.

La bataille n'était cependant pas perdue mais juste reportée de 2 petites semaines au premier week end d'octobre. Mais plus on approchait de cette nouvelle date et plus l'inquiétude grandissait, la météo annoncée étant tout sauf idyllique !
On resta donc à se ronger le bout des palmes l'oeil vissé sur les prévisions météo jusqu'à ce que la bonne Parole finisse par débouler dans nos bals comme la manne sur les Hébreux pendant leur trek dans le désert : cette fois c'était la bonne, cap sur Pointe Rouge !



Vendredi 8 octobre : le convoyage


Pour être à pied d'oeuvre au plus tôt, l'Anthias profita de la bienveillance de St RTT pour rejoindre Pointe Rouge le vendredi après midi.

Partir un après midi de mer toute droit sortie de chez Ikea (c'est à dire livrée démontée), ça a au moins un bon côté : y manque pas de place pour se garer sur le port. Garer l'Anthias, c'est déjà moins facile et plus acrobatique par contre ! Et l'amener à quai n'est qu'une aimable mise en jambe, en découvrant l'état de la mer derrière la digue, mon estomac se crispe : ohlala, ça va gigoter sévère !

En fait, la mer n'est vraiment déchaînée que jusque Niolon. Plus on s'approche du Frioul et plus la houle devient ample, on est donc moins secoué et c'est presque tranquillement qu'on arrive en vue de l'INPP.
La silhouette assez caractéristique du batiment se découpe au dessus de la digue. A la jumelle, l'amer est aisé et l'Anthias peut entrer sans bobo dans le port de Pointe Rouge.


     l'Anthias à quelques encablures du chateau d'If l'arrivée au port de Pointe Rouge

On hésite un peu, où c'est qu'on peut se ranger ? Une forte de rafale de vent inattendue en nous plaquant à la barge de l'INPP nous apporte vite une réponse. On s'agrippe et on ne bouge plus !

La barge n'est pas déserte, des techniciens surveillent la décompression de plongeurs qui ne sortiront que le lendemain. Pas de soucis donc, non seulement l'Anthias peut rester là mais en plus il y aura du monde toute la nuit.

On peut donc partir l'esprit tranquille. A d'main.

l'Anthias arrimé à la barge de l'INPP



Samedi 9 octobre : le jour du mérou

le rassemblement des plongeurs prêts à compter


Leurs leçons d'arithmétique bien en tête, les ASMeurs débarquent à l'INPP parés à compter du mérou. L' INPP -Institut National de Plongée Professionnelle-, c'est là où sont formés les professionnels de la profession : scaphandriers, pilotes de sous marin, vidéastes, chefs de chantier sous marins et j'en passe... Dès qu'il s'agit d'effectuer le moindre travail sous la surface, il faut être passé par là.

Pour nous aujourd'hui, pas besoin de diplôme supérieur, suffira de savoir compter jusque 10 et de savoir distinguer un mérou d'une girelle. Après l'accueil et l'explication de la méthodologie, cap sur les Impériaux, le site de notre mission.


Laure transmet la méthodologie du recensement à Robert Henri tente de dénouer le noeud gordien des plaquettes l'Anthias à quai

l'Anthias à la manoeuvre dans le port

Les Impériaux ? On risque pas de tomber sur Darth Vader (arf arf) ? Bin, vu l'état de la mer, peu de chance. En longeant Riou côté terre, ca va encore mais passé la pointe de Caramassaigne, ça castagne sévère. Pas question de mouiller, les palanquées se mettent à l'eau les unes après les autres des Impériaux de terre vers ceux du large. Le site est magnifique, les plongées sont belles mais on ne peut pas dire que les mérous se bousculent !

un trajet mouvementé

     En vue des Impériaux du large Mise à l'eau des palanquées
hélas, pas besoin d'une grande plaquette pour compter les mérous ce matin     les gorgones sont bien au rendez vous
une tchite flabeline Y a des poiscailles, ça c'est sur étoile de mer un bouquet de clavelines

la sortie de l'eau face aux Impériaux l'Anthias dans les vagues, un coup je te vois... ...un coup je te vois plus !

déjeuner à la cantoche de l'INPP

La pause de midi, repas et gonflage compris, se fait à l'INPP et ne se voit émaillée que d'une toute petite péripétie de rien du tout autour du cadenas ayant servi à fermer la cabine de l'Anthias et de sa clef restée malencontreusement à l'intérieur. Une broutille de rien du tout dont ma modestie naturelle m'empêchera d'endosser toute la responsabilité !
Cette pécadille réglée, on peut partir pour la pierre de Briançon au sud de Jarre.

Avec Henri, nous sommes largués plus à l'ouest et nous devons longer l'île jusque la pierre. C'est sympa sans être transcendant mais ça devient de plus en plus joli au fur et à mesure qu'on se rapproche du rocher. On aura donc réussi à avoir notre compte de belles images mais pour nous aucun mérou à signaler.

l'Anthias fait la pause à l'INPP Woodstock Henri on dépasse Maïre
la pierre de Briancon encore une traversée mouillée


De retour au port, le bilan de l'ASM n'est pas compliqué à faire : 7 mérous comptés sur l'ensemble de la journée. Globalement, c'est 12 animaux qui auront été comptabilisés sur l'ensemble des sites du jour. L'Anthias connait quand même son quart d'heure de gloire quand son arrivée est filmée par une journalise de M6. A nous la fortune et la gloire ? Bin non, on sera finalement coupé au montage. Pffff.



M6 nous attend à notre retour



Dimanche 10 octobre : le jour de la nacre

c'est elle qu'on va devoir débusquer. Photo Henri


On est un peu surpris quand on retrouve l'INPP le dimanche matin : il n'y a plus personne ! Un zodiac avec 3 plongeurs et l'Anthias seront les seuls bateaux à participer. Niveau organisateurs ou scientifiques, Laure se retrouve seule à gèrer. Bin dis donc, y a comme un certain relâchement.
Mais s'il ne doit en rester qu'un, ce sera l'ASM et on prend le cap de Sormiou passer au comptage des grandes nacres.

La grande nacre court moins vite que le mérou, elle devrait donc être plus facile à dénombrer sauf que les coquines aiment à se cacher dans les champs de posidonie et qu'elles n'y sont pas faciles à débusquer.

Mais à malin, malin et demi, Laure nous fait une démonstration de notre arme secrète : le rateau à posidonie ! L'idée, c'est de partir à 4 ratisseurs de front et de progresser sur une direction indiquée par un cinquième plongeur équipé d'un pentamètre et d'une boussole et d'enchainer ainsi les bandes.

Mine de rien, c'est pas si facile ! Faut, sans dévier, fixer l'extremité du ruban du pentamètre et ratisser. Gilet vidé, je finis par enlever une palme pour pouvoir progresser à cloche pied par petits bonds. Après le canard et le phoque : le kangourou ! Reste à voir si la postérité retiendra mon apport au bestiaire de la plongée !

l'ASM initiée à la pratique du rateau à pina

Bernard toise les élèments Sandrine et Jean Claude admirent le Bec de Sormiou Robert ne perd jamais le nord

L'ASM se prend rateau sur rateau : PJ...     ...Pierre...     ...et Sandrine

Le bilan est encore moins brillant que pour les mérous : 2 nacres comptabilisées durant cette matinée. Mais bon, la déception ne m'empeche pas de rependre 2 fois du désert à la cantoche !


distribution des rateaux Guy, pour lui aussi, un rateau départ pour le ratissage

La météo qui vient jouer les trouble fêtes nous amène à réajuster nos plans en temps réel. On devait retourner compter les pinas mais on se rabat sur les Pharillons. Quand on contourne Maïre, c'est l'apocalypse, on se replie donc au sud ouest de l'île pour y compter ce qui voudra bien passer par là. C'est à dire aucun mérou !

On ne perd pas de temps une fois rentrés au port. Les conditions devant encore se dégrader, il faut partir au plus vite si on veut espèrer ramener l'Anthias dans ses pénates.

dernier déjeuner à l'INPP

Comme à l'aller, entre Pointe Rouge et Frioul, c'est navigable mais notre Cote Bleue est dé-chai-née ! Je n'avais jamais vu la mer dans cet état avec de telles couleurs et un tel ciel de fin du monde. En tout cas, jamais depuis le pont d'un bateau ! La vision de Mejean transformé en jacuzzi infernal aurait bien mérité une photo ou deux mais sûr que si j'étais retourné dans la cabine chercher mon appareil, je l'aurais retapissée façon Jackson Pollock.

Bref, avec tout ça, le temps de retraverser Marseille et on avait loupé l'apéro de cloture et la projection du film !



Bilan


Pour un recensement de mérous et de nacre, le palmarès n'aura guère été brillant. Le score de l'ASM n'aura été que de 7 mérous et de 2 nacres. Ce qui n'est guère reluisant pour des espèces qui étaient encore abondantes quelques années en arrière. D'où plus que jamais l'urgence de la mise en place d'un parc naturel autour de ces îles comme ce qui peut exister à Porquerolles. Des manifestations comme ces recensements sont importants en cela qu'ils peuvent entrainer une prise de conscience et apporter des chiffres concrets pour étayer un projet. En tout cas, on espère bien qu'un jour un parc sera établi sur les calanques. Et on pourra alors connaitre la fierté d'y être un tout tout petit peu pour quelquechose !

Texte : Laurent. Photos : Laurent et Henri.