Les carottes, ça rend aimable


'J'ai besoin de monde pour faire une plongée de crotte. L'eau va être glaciale et on ne verra rien.' m'a dit Robert. 'J'en suis !' que j'ai dit et j'allais courir préparer mon sac dans la minute quand je suis revenu sur mes pas : 'Ah ouais, au fait.... c'est où qu'on va ?'.

la situation géographique de Roche de Rame

visages du lac visages du lac visages du lac

"Roche de Rame" dit le panneau à l'entrée du petit village des Hautes Alpes qu'on découvre au bout de 2 heures et demie de route. Le lac est juste à côté de la Nationale, on n'a donc pas de mal à le trouver.
Il s'étend paisiblement entouré d'arbres, de roseaux et de sommets enneigés. Pas de neige pour nous sur les rives mais le fond de l'air est frais. Et la température de l'eau ? On trempe la main à la surface : glagla ! Et dire qu'il va falloir plonger dedans. Bon, bin, on va commencer par décharger le matos, ça nous donnera du courage.

equiper son bloc à la montagne

equipement equipement
faut penser à graisser sa fermeture !

Robert explique comment fixer un bout sur le carottier

On a commencé à se préparer tranquillou quand arrivent nos contacts du CNRS. Le temps de faire connaissance, ils nous expliquent pourquoi ils ont fait appel à nous.
Il y a quelques semaines, ils ont entrepris une campagne de carottage du fond du lac. Lors d'une manip au milieu du plan d'eau, ils ont laissé échapper leur carottier alors qu'ils étaient en train de le hisser à bord de leur embarcation.

Sans moyens pour le récupérer, ils ont mis en place une bouée pour signaler l'emplacement et ont cherché des plongeurs pouvant tenter de le remonter. Des contacts établis lors de la mission Allos de 2003 les ont conduits jusque l'ASM et voilà !


mise au point des procédures préparation avec les scientifiques

Pour les paramètres de la plongée, y a du bon et du moins bon. Le bon, c'est l'altitude peu élevée du lac et les 16 m de fond maxi. Le beaucoup moins bon, c'est la température de l'eau et le fond vaseux qui va limiter notre visibilité.
On nous décrit le carottier comme un tube métallique de 4-5m de long qu'on espère tous être tombé verticalement. Le fond est en effet constitué d'une épaisse couche de vase et il ne faudrait pas qu'il s'y soit couché et complètement enfoui. Pour l'extraction, 2 bidons de 25l feront office de parachute de levage.

On se sépare en 2 équipes, PJ avec Robert, Sandrine avec moi et on se met à l'eau. Engoncé sous de multiples couches de néoprène comme je le suis, je ne sens pas le froid et pourtant elle est bien fraiche ! 8° en surface, elle finit pas se stabiliser à 6° au fond !


mise à l'eau mise à l'eau mise à l'eau

mise à l'eau

On rejoint la bouée et on descend pour découvrir le paysage lunaire du fond. La première bonne nouvelle, c'est que le carottier est tout à côté de la bouée, la visibilité est correcte et on n'a donc aucune difficulté à le découvrir. La seconde bonne nouvelle, c'est qu'il s'est bien planté verticalement. La mauvaise, c'est qu'il ne dépasse que de 2 m environ. Ce qui veut dire que 1) il est planté au moins de la moitié et 2) que la couche de vase est vraiment très épaisse !


Epaisse et collante ! Impossible d'extraire ce satané carottier. La vase est très instable, au moindre mouvement, elle s'envole, nous enveloppant d'un brouillard impénétrable. Bien sûr, impossible de prendre appui dessus pour tirer. On s'y enfonce mieux que dans du beurre fondu. Ca fait succion, s'agirait pas de s'y retrouver coincé ! Mais la substance est fascinante, une simple caresse et on la voit onduler langoureusement. Des restes de chutes de bois en décomposition baignent dans le coulis mais ne nous sont d'aucune aide tellement ils sont friables.

Robert et Pierre Jean refont surface pour récupérer nos 2 bidons de levage. Avec Sandrine, on attache nos 2 pauvres parachutes de palier... en pure perte. Oui, bin, bon, l'espoir fait vivre !

attention à ne pas prendre trop de bidon !


cap sur le centre du lac

Les bidons sont là, Robert les arrime et on utilise nos détendeurs de secours pour en chasser l'air. En tout cas, notre matériel fonctionne sans souci. Pas de givrage, de détendeur qui fuse et pourtant on les soumet à des débits importants. Ce qui est assez ironique après nos ennuis rencontrés à Allos.

Nos bidons se révèlent encore insuffisants. Rien à faire, le carottier restera au fond ! La solution de la dernière chance est la plus extrême : on tend un looooong bout entre le carottier et la rive du lac jusqu'à la camionnette du CNRS. Au fond, on s'écarte à bonne distance pour le décollage : 3 - 2 - 1 et c'est parrrrrti ! Quand le grand nuage de vase est retombé, le carottier a disparu ! Mission accomplie !!



Nos obligations remplies, on en profite pour faire un peu de ballade. J'avais investi dans des chaussettes de néoprenes de 5mm, des gants semi étanches et enfilé un shorty de 7mm sur ma combi semi étanche et si je me sens dans la peau de Bibendum, je sens le froid sans en souffrir. Certes, mes lèvres me donnent l'impression d'avoir été siliconnées par un chirurgien fou et j'ai le bout des doigts qui brule mais c'est loin de me gacher l'ambiance.

Dans la grisouille, la vase forme des plaines oncteuses. C'est particulier mais à sa façon c'est très beau. Une perche passe par là nous faire un petit coucou puis c'est l'abominable monstre tentaculaire géant des profondeurs qui nous attaque par surprise ! AAAAAAAAHH ! Ah non, ce n'est qu'un arbre couché, un véritable arbre cela dit, des racines aux branches, qui nous jette ses bras de squelettes à la figure comme l'arbre derrière la fenêtre dans Poltergeist ! Mais on exorcise l'apparition en jouant dans ses branches. Grimper au faîte d'un arbre par 10m de fond. Hi hi, voilà une expérience. Pas peur de se casser la figure !

     le bout se déroule

2 bidons vers une bouée


ecrevisse

La pente douce des bords du lac nous ramène vers la surface. Il y a des sortes d'algues verdâtres, certaines couvertes d'une mousse violette. On découvre aussi de petites écrevisses qui s'enfuyent en se propulsant en marche arrière. Après un dernier passage dans les champs de roseaux, il faut penser à remonter. 40' de plongée dans 6° mais moi j'y serais bien resté encore un peu !

Petit déception quand on rejoint le bord, le carottier a déjà été démonté et réempaqueté. On n'aura même pas eu l'occasion de le voir entier !


la pause restau bras croisés la tablée au revoir !


Rhabillés, réchauffés, nous sommes enchantés de cette plongée. On l'est encore plus quand on nous offre le restau, sympa ! Tant qu'on est dans le coin, on profite de l'après midi pour faire une pointe jusque Briancon, histoire de respirer l'air pur des hauteurs.

la vallée vue depuis Briancon     un des forts     les gargouilles dans la vielle ville

la marmotte qui siffle !     la nef de l'église     l'église

C'est donc repus de sensations qu'on reprend le chemin de Marignane. On n'a pas souvent l'occasion de plonger en lac et c'est bien dommage ! Il y a l'eau douce, le cadre, les paysages bien exotiques à nos yeux qui ne connaissent que les fonds marins ! On aura rendu service à la science et en plus on s'est régalés. Eh ! Que demander de plus ?

Texte : Laurent. Photos : Henri, Sandrine, Laurent.